« Pierre et Claire sont éditeurs en ce début de XXIe siècle. Un grand groupe s'intéresse à leur maison.
La vendront-ils ? Et à qui ?
Ils sortent beaucoup, voient tout le temps Mathieu, leur ami écrivain.
Autour d'eux, Paris est en train de changer. Leur génération vieillit. Cela meurt. Cela divorce.
Heureusement, les prix d'automne vont toujours à de mauvais livres.
Rentrée littéraire est un roman nostalgique. C'est aussi une histoire d'amour. Il n'y a pas de mal à ça. ».
E.N
Éric Neuhoff est un enfant du cinéma. Pouvait-on rêver mieux que l'auteur de Lettre ouverte à François Truffaut ou de (Très) cher cinéma français (prix Renaudot de l'essai 2019) afin d'évoquer la magie intacte des cinémas et à travers eux du septième art ? De sa jeunesse provinciale de cinéphile rythmée - de Cahors à Toulouse - par les séances du mercredi à quatorze heures aux projections de presse et aux festivals internationaux arpentés par le critique du Figaro et de l'émission « Le masque et la plume », l'écrivain rend hommage à ces lieux de culte que sont pour beaucoup les salles obscures. Les ouvreuses et leurs lampes de poche ont disparu, des multiplexes ont pris l'allure de galeries marchandes, mais l'écran de cinéma n'a rien perdu de son magnétisme. Loin des facilités numériques offertes par les plateformes et des films vus sur un smartphone, Petit Éloge amoureux des cinémas perpétue la passion pour ce vice impuni. Les images et les souvenirs défilent. Des noms d'actrices et de cinéastes servent de mots de passe.
Éric Neuhoff nous fait partager sa sensibilité, sa nostalgie, son enthousiasme. Cette déclaration d'amour est aussi un éloge de la fuite, du voyage, des existences rêvées, car « les films sont plus harmonieux que la vie et avancent comme des trains dans la nuit » comme le souligne le héros de La Nuit américaine de François Truffaut.
« HS. Kaputt. Finito. Arrêtons les frais. Le cinéma français agonise sous nos yeux. Il ne faut plus se voiler la face. Il est à peine l'ombre de lui-même. Bientôt, on punira les enfants qui n'ont pas fini leurs devoirs en les obligeant à regarder les nouveautés. C'est ainsi, le plaisir est devenu une corvée. Si tu n'es pas sage, tu iras voir le dernier Ozon.
C'est une morne plaine. Comment en est-on arrivé là ? ».
Éric Neuhoff livre un portrait sans concession du cinéma français actuel. Réalisateurs, acteurs, interprofession, nombreux sont ceux soumis à sa critique acérée. Nostalgique du cinéma des années 1960 et 1970, il déplore que celui d'aujourd'hui ne fasse plus rêver.
« Je repense à toutes ces vacances d'été. Je me souviens que nous les attendions toute l'année. Elles avaient l'air de ne jamais vouloir finir. À partir de 1964, nous sommes allés sur la Costa Brava. Cela a duré des années. Je suis retourné à Canyelles après une éternité. » Un quinquagénaire revient en Espagne sur les lieux où, enfant, il passait ses vacances. Accompagné de ses propres enfants, il revit ses souvenirs de jeunesse, se rappelle de ses copains d'alors, de ses premières amours et de tout ce qui faisait le quotidien des années soixante, soixante-dix et quatre-vingts l'été, sur les plages catalanes : les espadrilles, la Peugeot 403, les 33-tours, les musiques du moment et les films mythiques...Un grand livre sur le temps qui file. Mathilde Nivollet, Le Parisien.Chaque phrase a une saveur particulière, et une singulière poésie passe entre les mots. François Forestier, L'Obs.Un sacrément bon écrivain. Frédéric Vitoux de l'Académie française, Le Figaro.Prix Cazes 2017.
«Nous en sommes tous là, à n'avoir pas su retenir ces choses qu'on pensait inoubliables. Les assassins ont tort de revenir sur le lieu du crime. Peut-être qu'elles ont vieilli, hein, Maud, Laetitia et Bébé. Ça serait terrible. Ça serait trop moche. Cette réédition me fait tout drôle. Pardon pour la poussière.» Eric Neuhoff.
Du charme, de la dérision et beaucoup de nostalgie : Eric Neuhoff, l'un de nos meilleurs écrivains français, et sans doute l'un des plus désinvoltes, nous rafraîchit la mémoire avec ce recueil délicieusement hors d'âge et hors des modes. Les hanches de Laetitia, La petite Française, Un bien fou : trois pépites, légères et graves à la fois.
De Bardot à Sagan, en passant par Beigbeder, Deneuve, Orson Welles ou encore Louise de Vilmorin, sans oublier des lieux qui lui sont chers, de Saint-Jean-de-Luz à Los Angeles, Éric Neuhoff croque paysages et personnalités de la littérature et du 7e art. Des portraits ciselés, des atmosphères saisies à la pointe sèche, et autant de souvenirs de son enfance à aujourd'hui.
Avec Sur le vif, Éric Neuhoff livre des mythologies intimes, à la hussarde et façon puzzle, comme une nouvelle « recherche du temps perdu » signée Neuhoff. À lire comme on boirait un gin tonic ou un Moscow mule.
Un voyage dans l'univers des " grandes brasseries ", quelles soient parisiennes (Flo, La Coupole, Bofinger, Terminus nord, Julien, Le Vaudeville, Le Boeuf sur le toit, Le Balzar) ou régionales : Flo Nancy, Flo Reims, Flo Metz, Flo Toulouse, Flo Nice.
Pour chaque brasserie :
un texte documentaire de Gilles de Bure relatant l'histoire de la brasserie ;
une chronique littéraire d' Éric Neuhoff dont la scène se déroule dans la brasserie ;
une recette : Raie au beurre fondu, Formidable Choucroute Paysanne, Bouillabaisse, Cassoulet, Curry d'agneau à l'Indienne, Nage de Saint-Jacques, Tagliatelles de légumes croquants au gingembre, Cocotte de joue de lotte à la Provençale, Escalope de foie gras aux pommes & raisins, Tartare de hareng et pommes roseval, Pain perdu de Kouglof, Glace caramel, Profiteroles au chocolat...
Moi, j'aime le cinéma...
De A comme " Adjani " ou " Audiard chez les orques " (De Rouille et d'os) à W comme la saga Warner, Éric Neuhoff a mis en ordre alphabétique sa passion du 7e art, bien connue des lecteurs du Figaro, des auditeurs du " Masque et la Plume " et des téléspectateurs du " Cercle " sur Canal Plus.
Pour Neuhoff, le cinéma c'est " la vie en 24 images-secondes " avec ses plaisirs, ses émotions et ses déceptions. Au fil des pages, il laisse libre court à ses enchantements, ses envies de rire aux éclats... et bien sûr ses coups de gueule, griffant les fausses valeurs en quelques formules tranchantes. Car Neuhoff a ses têtes de turc : François Ozon, les frères Garrel et les frères Dardenne, les derniers films de Chatiliez...
Neuhoff a également la passion des actrices, ces héroïnes des " écrans noirs de nos nuits blanches ". Son dictionnaire les salue d'une plume câline, qu'il s'agisse de l'exquise Robin Wright, de Tilda Swinton ou de l'espiègle Milla Jovovich.
Au fil des 300 entrées de cet abécédaire : Altman, Bory, Cluzet, Delon, Haneke, Kazan, OSS 117, la prétendue " Qualité française ", Taxi Driver, Truffaut, le cinéma selon Houellebecq (" Extension du domaine du nanar "), mais aussi la liste des 100 meilleurs films, les effets pervers de la VF, ou la critique d'Almodovár par Alfred Hitchcock !...
À l'occasion du festival de Cannes 2014 (14 au 25 mai), L'Herne publie en partenariat avec Le Figaro une série de textes passionnante, loin des clichés habituels, sur les grands amours mythiques du cinéma ! Signé par l'auteur du célèbre Dictionnaire chic du cinéma, M. Éric Neuhoff.
« Le champagne ressemble au bonheur. C'est son cousin germain, son complément indispensable. Il n'y en a jamais assez. Il ne faut surtout pas essayer de le définir.La première chose qui disparaît avec le champagne, c'est le temps. On ne regarde plus sa montre. Du coup, on dit des sottises. On se croit éperdument intelligent. La vie reprend ses droits. Tout s'agite, devient passionnant. Le champagne met la vie au pluriel. C'est une boisson qui déteste le présent. La magie n'est pas absente du processus. Aujourd'hui s'efface. C'est déjà demain. C'est encore hier. Vous avez entre les doigts des centilitres d'espoir ou de nostalgie, au choix. »Grands vins, cigares, palaces... pour le dandy moderne, l'art de vivre n'est pas un vain mot. Cette collection s'adresse aux hommes d'aujourd'hui qui, en toutes circonstances, cultivent l'aisance, l'élégance, la distinction. Un goût du raffinement à redécouvrir.Guides utiles à ceux qui veulent vivre la belle vie
25 ans, rien que du malheur. Ça n'est pas tout à fait exact. Les années 70 n'étaient pas si dures à supporter, allons. Pas de vapeurs. Les jeunes gens ne savent pas où ils en sont. Ils ignorent s'il vaut mieux entrer aux Bains-Douches ou à la Pléiade. Tous leurs malheurs viennent de là. Ils confondent Isabelle Adjani et Anna Karénine. Ils ont cru que le cinéma était plus important que la vie. Ils se sont pris pour Drieu La Rochelle et ils ne se sont pas suicidés. Ils aiment Fitzgerald et ils n'ont pas rencontré Zelda. C'était d'une injustice. Il leur restait les livres, les leurs, ceux des autres, les films. La politique, au fond, ils s'en foutaient. Ce qu'ils voulaient ? Etre riches et célèbres, comme dans les films de Cukor. L'époque ne s'y prêtait pas. J'ai repensé à tout ça. Peut-être que ça m'a fait mal. Le plus souvent, ça m'a fait ricaner. Un triomphe est l'histoire de cet éclat de rire. La gorge serrée.
On connaît le goût d'Éric Neuhoff pour le cinéma, non moins vif que son appétit de littérature américaine et anglo-saxonne.
Il arrive même que ces deux passions se conjuguent ici au gré d'entrées aussi inattendues que MONROE (Marilyn) ou RISI (Dino).
Au fil des (nombreux) écrivains qu'Eric Neuhoff a retenu dans son panthéon personnel : Martin Amis, Julian Barnes, Raymond Carver, Joan Didion, John Fante, Jonathan Franzen, Kazuo Ishiguro, Jack Kerouac, Jay McInerney, Michael Ondaatje, Salman Rushdie, Gore Vidal ou encore Tom Wolfe.
Les flâneries d'un impénitent.
Qui mieux que Neuhoff pour jouer les snobs, en digne émule de Boris Vian, lui qui a tout vu, tout lu, tout entendu à Saint-Germain-des-Prés ?
Il regrette un temps où les cigarettes n'étaient pas en plastique, l'absence de face B sur les CD, ne veut lire sa littérature que sur le papier bible de la Pléiade, continuera toujours à passer ses soirées chez Castel et ne peut se résoudre à admettre qu'à l'Académie française il y a des auteurs plus jeunes que lui !
Autant de réflexions rassemblées en 101 leçons titrées de façon décalée (Hésiter entre le vrai et le faux ; Pleurer avec le père Noël ; Retourner vers le futur ; Etre à côté de la plaque ; Prendre des cours de Lang...) Ce ne sera pas une mince affaire, mais en suivant le plus dandy des Parisiens, avec sa nonchalance maîtrisée et son détachement plein d'ironie, bref en suivant les flâneries d'un snob impénitent, on se plaît à sourire.
Chez Éric Neuhoff, la vie ressemble à une dolce vita permanente : hôtels, plages et gins pamplemousse dégustés les pieds dans le sable. Mais la mélancolie et l'ironie ne sont jamais loin. Dans Les Polaroïds, son premier recueil de nouvelles, tout est imaginable. Jean Seberg et Patrick Dewaere sont toujours vivants. Un jeune homme, de retour dans la ville de son adolescence, s'ennuie. Jackie Kennedy et J. D. Salinger passent une journée ensemble. À Canet-Plage, les villas en bord de mer sont le théâtre de drames intimes. Les filles se prénomment Maud, Chloé ou Raphaëlle. Elles sont snobs, bronzées, parfois menteuses. Faut-il préférer l'Irlande ou la Costa Brava pour fuguer en leur compagnie ? Sur la route de Saint-Tropez à Paris, l'esprit divague à grande vitesse. Et, en sourdine, la petite musique du coeur se fait entendre.
Journaliste au Figaro et au Masque et la Plume, Éric Neuhoff a publié une vingtaine d'ouvrages dont La Petite Française (prix Interallié 1997), Un bien fou (Grand Prix du roman de l'Académie française 2001) et Costa Brava (prix Lipp-Cazes 2017).
« Il s'était fait le serment d'être le plus grand chanteur du monde. Quand il était sur scène, il émanait de lui quelque chose de sacré. Il avait fini par créer un style. De sa bouche sortaient des prodiges et des caresses, des larmes et des envoûtements, des mensonges et des aveux. Vibrations subtiles, frissons infinis, touches de mystère, accents de nostalgie. Comme timbre, on ne pouvait trouver plus parfait. Cette expression avide, ardente qu'il avait. Il ne veut pas seulement vous faire écouter une chanson, mais aussi vous emmener à la meilleure table, vous servir votre cocktail favori, vous présenter la plus belle fille de la soirée. C'est ça, une chanson de Sinatra. » Quel personnage, mieux que Frank Sinatra, nous a fait croire que l'Amérique était un pays unique et légendaire ? A travers son portrait, Eric Neuhoff nous trace celui d'un pays qui n'existe pas et qui, pour cette raison même, est devenu, dans nos têtes, le plus puissant du monde : un mythe.
Éric Neuhoff est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages, il a obtenu en 2001 le Grand Prix du roman de l'Académie française pour Un bien fou.
Comme rien ne m'arrivait, mon adolescence se confondit avec le cinéma.
Je ne m'en suis pas remis. J'avais quinze ans et la vie n'existait que sur l'écran. J'ai vu trop de films. J'ai été Antoine Doinel et le Robert Redford de Nos plus belles années. En tout cas, j'étais persuadé que l'avenir ressemblerait à ça. C'étaient les années 70. Truffaut était encore vivant. Sautet tournait de bons films. Woody Allen débutait. Pascal Jardin adaptait Simenon. Toutes les femmes imitaient Romy Schneider.
Le cinéma fut sans doute ma plus grande passion. Cette passion était féroce, exclusive, ridicule. A côté des films, les livres ne valaient rien. Tout mon argent de poche y passait. J'écoutais Le Masque et la Plume. J'apprenais par coeur les critique de Jean Louis Bory. Il est mort le même jour que John Wayne, en 1979. Il n'est pas interdit de voir là comme un symbole, la fin de quelque chose. A Paris, les salles fermaient une par une.
La télévision s'infiltrait partout. Le cinéma que nous aimions était en train de mourir. Mais c'était peut-être moi qui vieillissais. Je ne suis pas sûr que ça soit aussi simple. Aujourd'hui, je vais voir les films en projections privées et ma femme m'a abonné au câble. Nous sommes en 1998.
Félix Woldenberg est un type formidable.
Il a tous les talents. Les filles s'accrochent aux pans de sa veste ; les magnats de la grande presse s'arrachent sa copie. Il n'a pas fallu longtemps pour qu'on souligne son charme et son humour. Surtout son humour. Félix Woldenberg est un type infect. Il veut la gloire en claquant des doigts mais il ne tient pas l'alcool. Les rôles qu'il emprunte, il les choisit exprès très au-dessus de sa taille. Ecrivain ou star du cinématographe : Woldenberg s'identifie toujours à des monstres sacrés.
Qui l'écrasent. Félix Woldenberg est un type émouvant. L'autre nuit, alors qu'il venait de s'accouder en pyjama au bar d'une boîte passée de mode, un consommateur a cru malin de le démasquer : -Vous êtes Félix Woldenberg ? L'écrivain ? - J'en sais rien, qu'il a dit, toute ma vie j'ai été somnambule. Ce qu'il faisait là en pyjama, on ne l'a jamais su.
Paul et Hélène vivent ensemble. C'est arrivé comme ça. Ils s'aiment, mais ne se le disent pas. Peut-être même que ça ne se voit pas. Ils sortent beaucoup le soir. Ils ont assez d'argent pour pratiquement ne rien faire. Paul se dit que leur couple ressemble sûrement à celui que formaient Scott et Zelda Fitzgerald. Toutefois il se voit mal écrivant Un diamant gros comme le Ritz. Ça n'est plus l'époque à ça. Ils voyagent, vont en Grèce, en Irlande, en Afrique, en Italie. Ils cassent des voitures, boivent du champagne, et font beaucoup l'amour entre les lignes. Ils reviennent toujours à Paris où ils voient des gens qui les invitent et qui les ennuient. Paul et Hélène ont pour principe de ne jamais refuser un bristol ou de casser du sucre sur le dos de leurs hôtes. Pourquoi ne peut-on se passer d'eux dans ce genre de festivités? Et comment réussissent-ils à être malgré tout les plus sympathiques? Ils sont les seuls à ne pas se poser ces questions. Ils vieillissent. Ils aiment encore la France, pour des raisons bizarres. Un dernier séjour à Venise, et ils se marient, car il s'agit d'un livre moral. S'ils furent heureux et eurent beaucoup d'enfants, l'histoire ne le dit pas.
Le narrateur découvre la jalousie et la trahison en lisant un sms sur le portable de la femme de sa vie. A plus de cinquante ans, deux divorces et de grands enfants, il se retrouve en pleine confusion sentimentale, animé de sentiments violents et contraires, alternant passion, colère, souffrance, doute, tristesse, regret, panique. L'insomnie redouble sa fixation sur Charlotte, jolie blonde fantasque dont il n'a jamais su capter le mystère et qui le renvoie à ses ruptures précédentes.
Anatomie d'une déliaison, portrait d'un homme qui rêve d'une idole qui se comporterait en femme fidèle, ce sont tous les sentiments, jérémiades, déni, impuissance, complaisance, avec lesquels il faut bien vivre.
Eric Neuhoff a déjà évoqués la jalousie, la passion la séparation, et la solitude dans Un bien fou et Pension alimentaire. Comme l'Antoine Doisnel de Truffaut, il en suit les méandres de livre en livre, aux différents âges de la vie, avec cette même mélancolie, cette musique douce amère, cet effroi poli devant l'éphémère des sentiments et la répétition des comportements, l'autodérision qui mêle lucidité, cruauté, tendresse et obsession.
Frédéric Valentré va mourir. A l'aube on le fusillera. « Intelligence avec l'ennemi. » Nous sommes en 1945. Toute la nuit, il va revoir sa vie, sans se renier, avec sérénité. Son père a été tué durant la guerre de 14. Un héros. Lui est un traître. Pourtant, ce provincial doué avait tout pour lui. Louis-le-Grand, Normale Sup : le parcours classique de l'élite française. Il va rater le Goncourt, diriger l'hebdomadaire le plus pro-allemand de Paris, se tromper sur toute la ligne. Il sera un des seuls écrivains à être exécutés à la Libération. Dans sa cellule de Fresnes, il se souvient de ses vacances, de deux femmes, de son ami Constant, de ses articles innombrables, de Paris aussi qu'il n'a cessé d'aimer. L'amitié, la France, la jeunesse, telles sont les choses qui ont compté pour lui. On peut dire qu'il a été nazi. Derrière lui, il laisse ses livres - et une légende, puisque les morts violentes ont toujours réussi aux écrivains. Voici le portrait d'un coupable.E. N.
« À vingt ans, j'avais encore peur de mon père. C'est dire si j'étais prêt à entrer dans la vie. Je m'en fichais. J'étais persuadé de mourir jeune. J'avais tort. On se trompe, à cet âge-là, sur tout.J'en ai trente-six. À mon tour d'avoir un enfant. Jadis, c'est une chose qui m'aurait semblé impensable. Dans deux mois, il sera là. Maintenant, je ne peux plus mourir. Je n'ai plus le droit. La vie, mon père, je les ai apprivoisés. Mon père, j'en suis sûr. La vie, on ne sait jamais. »