Les voix de deux amants s'entrelacent dans une nuit de ferveur. Dans ce huis clos, se mêlent l'amour et la mort, la peur et le désir, la passion et la tendresse. Au rythme hypnotique d'une conversation fiévreuse, le lecteur entre dans l'intimité du couple et se laisse emporter dans un voyage initiatique où les symboles se multiplient : feu, serpents, oiseaux et l'antique combat entre bien et mal.
Voici un recueil de poésie comme autant d'amulettes pour conjurer nos démons modernes. On y trouvera quantité de symboles : or, roses, rubis et serpents... Pour autant, rien d'hermétique ici. Le réel sature chaque vers de lumière, de chaleur et de vent. Mais transmuter la vie en poème n'est pas sans risque !
Les corps vibrants côtoient les visions d'anges et de sirènes, à qui l'on offre son coeur en sacrifice. La menace du temps et de la mort plane. « Le poids des ailes que l'on porte » fait échouer les coeurs purs sur le béton.
Depuis ses romans au romantisme électrique, on connaît l'habileté de Simon Johannin à mêler noirceur contemporaine et fulgurances lumineuses. Avec une puissance d'évocation intacte, il nous emporte ici « voir éclore l'hiver et l'été en même temps ».
J'ai l'âme gavée de poussières.
Morceaux d'étoiles crachés.
Depuis que le ciel tombe.
Dans le même esprit que ses romans, les poèmes de Simon Johannin sont ceux des belles âmes esseulées dans un monde souvent aride et brutal. Les voix crient la liberté dans des vers délestés de leur ponctuation, aussi vifs que des éclairs. Des voyous pas méchants, des jeunes gens pas prêts quoique robustes se chamaillent pour trouver une place au soleil. La précarité guette le porte-monnaie et les sentiments avec la même férocité. Pourtant, devant le vertige du quotidien, il s'agit de ne pas tomber dans les écueils du ressentiment, de s'acharner à trouver du sens et du plaisir, pour que l'amour jaillisse de la noirceur avec éclat.
Ici, c'est La Fourrière : un village de nulle part où l'on vit retiré et un peu hors-la-loi. Les gamins tabassent les chiens, dépècent les agneaux et jouent au milieu des carcasses d'animaux. Les charognes s'entassent, dégoulinent, ça sent la mort dans toutes les maisons. Puis vient le temps de partir. Aller voir le monde. Trouver une issue. Entre tendresse et rage, camaraderie et violence, l'été se termine, l'enfance aussi.
Dans l'espace intime du lit, deux amants engagent un dialogue où tout s'entrelace : l'amour et la mort, la peur et le désir, l'ardeur et la tendresse. Le bord du lit, délimitant l'espace circonscrit de ce huis clos, est comme le bord de la vie. Les deux êtres ne dissimulent rien de leur vulnérabilité. La femme avoue les sacrifices qui sont les siens, tandis que l'homme, obsédé par la mort, admet avoir été "coupé en deux" durant son enfance. D'abord insaisissable, la femme devient peu à peu un guide au fil du dialogue, entraîne l'amant et le lecteur dans un voyage initiatique. Voyant sans être voyeur, le lecteur se glisse sous ces couvertures, entre sans effraction dans l'intimité du couple et se laisse emporter à son tour dans cette errance aux confins de la vie et de la mort.
Ici, c'est le «village de nulle part». Là où l'on vit retiré et un peu hors la loi. Là où les enfants slaloment entre les pères ivres et les chiens errants, où l'été on apprend à dépecer les agneaux... Où trop souvent la misère vous mord les lèvres et la puanteur vous empoigne la gorge. Là où l'amitié reste la grande affaire.
Un jour pourtant, il faut partir, affronter le monde pour tenter d'échapper à cette enfance pleine de terre et de sang qui vous colle à la peau.
Paradis ?
Nés respectivement en 1991 et 1993, Capucine et Simon Johannin racontent des histoires et jouent avec les formes. Nino dans la nuit est leur premier livre en commun.