Mots du libraire
La sélection de Caroline
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L'adaptation BD d'un des plus grands succès de libraire qui est un grand OUI !
Peut-on mettre en images des souvenirs, des émotions, des bribes d'une vie sans risquer d'en ternir l'éclat voire de trahir ce que, seuls, les mots peuvent retranscrir ? L'amour, la joie, la tristesse, le regard d'un chien qui en dit long, le deuil, la mort, l'étroite relation d'un homme et d'une femme qui sont comme des excroissances des montagnes qu'ils aiment, arpentent et habitent ?
J'avais tant appréhension avant la lecture... mais je suis si heureuse que José-Luis Munuera, l'illustrateur et auteur de cette adaptation BD, m'a détrompée et convaincue par ses talents ! Tout est si juste : la douceur des traits, la réflexion autour des couleurs, son habilité à ne pas tomber dans l'anthropomorphisme. Comment y est-il parvenu ? Je laisse Cédric Sapin-Defour y répondre :
"Si j'avais su que ce druide aux crayons détenait de si grands pouvoirs, dont celui de faire revivre Ubac et sa joyeuse compagnie de mille et une façons, je lui auais demandé s'il était possible qu'ils ne meurent jamais."
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Une ode touchante à l’amitié intergénérationnelle !
Zola a 30 ans et accumule les échecs : son compagnon l’a quittée depuis un moment, son ignoble patron (ou plutôt ce “sac à merde” comme elle dit) lui est insupportable, ses deux soeurs semblent, elles, avoir tout réussi. Bref, elle est le vilain petit canard.
Yvonne a 80 ans et est une retraitée pétillante : la santé ne lui fait aucun défaut, quelques tranches de saucisson et un verre de whisky sont son pêché mignon du soir, et sa fille est une femme heureuse.
Et puis, il y a la vie qui est faite de tout sauf de hasards. Entre les deux femmes naît une amitié drôle et sincère. Pourtant, si Zola fait part à Yvonne de ses péripéties, de sa quête de trouver sa place et de son aspiration à goûter enfin au bonheur, la vieille dame cache un grand secret que sa soif de liberté et sa dignité humaine essayent et ordonnent de taire.
Une histoire douce et émouvante qui soulève des questions de société très actuelles ! Il faut parfois faire un pas de côté pour remettre en question nos certitudes afin de mieux avancer…
Très bonne lecture lumineuse et estivale garantie !
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Dans la lignée du Mur invisible de Marlen Haushofer et de Dans la forêt de Jean Hegland !
De l'humanité qui est tombée, il ne reste que Myriam, là-haut, dans sa cabane avec ses moutons, son potager et ses ruches, dissimulée entre les montagnes aux parois rugueuses. Mais aussi hautes soient-elles, rien ne résiste aux vents mauvais, sorte de brume toxique à laquelle aucun animal ni aucun humain ne peut survivre sans se cacher ou sans un masque à gaz. Mais la solitude n'est-elle pas plus mortifère lorsqu'elle gangrène l'esprit ? Et ce deuxième masque à gaz à côté de celui de Myriam, accroché à un clou et prenant la poussière n'est-il pas la trace d'une civilisation à jamais disparue ? Et pourquoi 11h02 ?
Pas le temps de se poser des questions, il vaut mieux concentrer son énergie dans sa survie. Jusqu'au jour où Myriam trouve un survivant : un enfant sauvage qu'elle appellera Jonas. Est-elle pour autant sauvée de la solitude ? Pas tellement... car aimer démesurement c'est parfois étouffer l'être qui nous est cher, au risque de provoquer l'irrémédiable...
Un magnifique premier roman, alliant le suspens du thriller et la contemplation du nature writing, qui questionne notre rapport au sauvage, la définition peut-être subjective de la liberté, notre capacité à encore s'émouvoir quand parfois il semble ne plus y avoir aucun espoir.
Gros coup de coeur !
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Une enquête en (très) haute altitude !
Tout autour de notre planète, les montagnes renferment bien des secrets… dont des mystères que personne n’a encore su élucider. Jusqu’au jour où Charlie Chatel, guide de haute montagne célèbre pour ses capacités de “chercheur d’objets égarés” sur les hauteurs, est contacté par William Miller, un milliardaire, pour trouver le Kodak Vest Pocket, antique appareil photo, perdu quelque part sur l’un des versants de l’Everest. Véritable boîte de Pandore, il renfermerait la clé sur la possible toute première ascension de l’Everest : le 8 juin 1924, alors qu’ils grimpaient le toit du monde, Sandy Irvine et George Mallory disparaissent tragiquement. Mais ont-il réussi à aller jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au sommet ? Pourquoi cette cordée est-elle devenue une légende ?
Dans un style simple et efficace, comme des petits pas vif en pleine ascension, Nicolas Le Nen mêle fiction et réalité pour nous plonger dans l’une des affaires les plus fascinantes et irrésolues de l’histoire de l’alpinisme.
Un mélange parfait de thriller et d’aventure !
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“Donnez-moi une flotte et [...] je ferai le tour de la Terre en allant de l’Est à l’Ouest !”
Certainement l’une des meilleures biographies de Magellan, ce livre retrace la vie et le voyage d’un homme de grande intelligence, également navigateur hors-norme. Face au froid, à la faim, aux mutineries, aux sabotages d’espions de la couronne du Portugal, Magellan est un homme à la volonté de fer et démesurée que rien ni personne ne pouvait arrêter ou même dévier de son chemin.
Au-delà de l’exploit d’avoir trouvé un détroit, de la découverte et traversée de l’océan Pacifique, Zweig - avec tout son talent d’écrivain et sa sensibilité de la nature humaine de manière générale - voue une fascination pour cet homme, faisant de cette épopée une reconstitution historique romancée avec un art du détail et de l’imagination.
Quand un charismatique explorateur à la tragique destinée reprend vie sous la plume d’un des plus grands génies littéraires du XXe siècle, il n’y a qu’une chose à faire : prendre le large et voguer sur les flots de la lecture !
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Définitivement un de mes plus gros coups de coeur de la littérature germanophone !
"Je dis que c'est un café, bien que personne à part moi ne l'appelle comme ça. Et je dis que c'est le mien, bien que sur le papier il ne m'ait jamais appartenu. Il y a dix ans c'était un trou poussiéreux, maintenant, tous les soirs sauf le mardi, il y vient des gens qui veulent oublier au moins quelques heures tout ce bazar autour d'eux. Il y fait chaud, l'hiver les fenêtres ferment bien, on peut boire quelque chose et surtout on peut parler quand on a besoin et se taire quand on en a envie. Le monde tourne toujours plus vite, et parmi ceux dont la vie ne pèse pas assez lourd, il y en a parfois qui sont laissés sur le bord de la route. Alors n'est-ce pas une bonne chose qu'il y ait un endroit auquel se raccrocher ?"
Le café sans nom est le café de tout le monde, ou plutôt de tout un monde révolu, celui de la Vienne d'après-guerre dans un quartier populaire.
Robert Simon réalise son rêve en rénovant et rouvrant un café abandonné - bientôt rejoint par Mila, la serveuse -, dans lequel se retrouvent des gens ordinaires : les commerçants du marché des Carmélites, le boucher d'en face avec son vieux père, deux vieilles amies bavardant autour d'un verre de blanc, les ouvriers se revigorant d'une bière fraîche après une journée à travailler dans la poussière, des âmes solitaires à la triste silhouette errant de café en café, les amateurs qui, au coeur de l'hiver, se réchauffent le coeur avec un punch (à la recette bien gardée) qui embaume tout le quartier.
Robert Seethaler a l'art de donner vie et profondeur à cette tablée de personnages avec une sensibilité aiguisée et un véritable sens de l'humain.
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Un premier roman fleuri et délicatement écrit !
Après une enfance difficile et des études en botanique, Merel, une chercheuse mystérieuse, aménage en solitaire une belle et grande maison, à la campagne, laissée à l’abandon avec un jardin devenu jungle.
Le jour, elle nettoie, repeint, défriche, plante, sème, taille, désherbe. La nuit, elle écrit des lettres à Stan, l’homme qu’elle aimait.
Sous ses mains expertes, avec sa patience et son amour des plantes, Merel fait de son repère un végétal havre de paix ! Mais dans tout jardin, il y a des herbes médicinales… et d’autres qui sont toxiques. Surgissent alors, peu à peu, les ombres de son passé qui la rattrapent…
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Un livre qui prend aux tripes !
Le Jour du chien, c'est un jour de rencontres dont la vie seule en a le secret : un chien abandonné au bord d'une autoroute, traversant la chaussée, complètement perdu et affolé, sème la frayeur parmi les automobilistes. Parmi eux, six personnages : des hommes et des femmes de tout âge. Tous et toutes différent.e.s. Mais face à cette triste image du chien fuyant, telle une comète faisant ressurgir les souvenirs et le sentiment d'abandon, aucun.e n'est indifférent.e. Ça aurait pu être vous, ça aurait pu être nous, et c'est toute la force de ce roman !
Car, qui n'a jamais connu le sentiment de grande solitude ?
Le Jour du chien, plus qu'un livre sur l'abandon, c'est une vraie claque de réalisme dont la trace - avec ce style vif qui fait fi de toute sensiblerie pour ne garder que l'essentiel - restera indélébile.
Court, prenant, percutant !
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Tesson : un indétrônable coup de coeur !
Faire un pas de côté, c'est l'ultime acte de résistance : c'est ce message que porte Sylvain Tesson plus que jamais en gravissant les stacks, ces piliers de la mer qui tournent le dos à la côte, à travers les mers et les océans du monde entier.
Je reviens enchantée de ce livre, de ce voyage, qui nous offre les couleurs du paysage et, avec des effluves de sel et d'embrun, une pensée profonde et vagabonde.
A toutes celles et à tous ceux pour qui contempler est synonyme de résister, et l'exploration celui de rébellion.
Sublime !
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Gros coup de coeur et Prix du Roman Métis de étudiants 2024 !
Qu'est-ce que l'on ferait sans la vanille, son goût délicieusement sucré et son parfum si unique ? Si nous connaissons bien les propriétés savoureuses des gousses de vanille, que savons-nous en revanche de son histoire ?
Originaire du Mexique, cultivée autrefois par les Aztèques et importée en Europe par Hernán Cortés, la vanille est l'une des épices les plus prisées de l'histoire de l'humanité. Pourtant, malheur, toutes les tentatives pour la cultiver en-dehors de son aire naturelle d'origine se soldent par un échec.
La belle fleur refuse de livrer son secret... jusqu'à ce qu'un certain Edmond Albius, un jeune esclave de l'île de Bourbon (ancienne appellation de l'île de la Réunion), perce en 1841 le mystère de la pollinisation artificielle du vanillier.
Avec cette biographie romancée, Gaëlle Belem - l'une des plus célèbres voix réunionnaises de la littérature - nous livre l'histoire d'un jeune prodige qui, parce que noir, esclave et âgé seulement de 12 ans, ne pourra pas profiter d'une telle découverte.
J'ai été particulièrement sensible à la manière avec laquelle l'autrice nous plonge dans le XIXe siècle, sur l'île de la Réunion, au temps de l'esclavage et de ses ravages, ainsi qu'à la place faite au créole, à sa langue et sa mythologie.
C'est donc une belle découverte que je suis heureuse de partager avec vous !
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Magnifique saga familiale au cœur de la Bretagne !
"[A]u large, l'île de Cézembre, territoire longtemps défendu, qui semblait veiller sur le littoral dans sa solitude minérale. Ce moment des retrouvailles avec la mer est toujours comme un miracle : intime, précieux, infiniment renouvelé."
Et quelles retrouvailles ! Yann de Kérambrun, professeur d'histoire à la Sorbonne, fin quarantaine, divorcé, venant de perdre son père, revient dans son Saint-Malo natal.
Rien n'a changé : l'imposante demeure de l'illustre famille de Kérambrun, la beauté des vagues aujourd'hui tranquilles mais demain assaillantes, "la ligne d'horizon nimbée de brume, de vapeur, qui hésite entre l'azur, le gris et l'opaline et ne se décide pour aucun." Non, rien. Mais c'est dans le cœur et l'esprit de Yann que tout chavire, lorsqu'il tombe sur la montagne d'archives précieusement rangée dans le bureau de feu son père, Charles de Kérambrun, et quand ses yeux croisent ceux, vairons, d'une écrivaine à la beauté froide...
Arrière petit-fils d'Octave de Kérambrun, ingénieur de génie dans la motorisation des navires et créateur de la première compagnie maritime, cet historien retrace l'histoire de sa propre famille, avec ses secrets, ses tragédies, ses bonheurs et surtout ses non-dits.
Je me suis laissée emporter par ce grand roman, telle une vague délicieuse et tumultueuse, et bercer par la plume littéraire d'Hélène Gestern qui excelle dans l'art de la description, des souvenirs et de la réminiscence.
Alors, Cézembre sera-t-il aussi votre prochaine destination ?
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Dans les traces de Ken Follett et de Dan Brown !
Une incroyable chasse au trésor à travers les siècles !
IMMENSE COUP DE COEUR
Mais quel trésor ? N'imaginez surtout pas qu'il s'agisse d'un coffre rempli d'objets rares et clinquants... Car le trésor est un poème interdit, un texte d'une valeur inestimable pour lequel des hommes et des femmes ont payé de leur vie pour le sauver de la poussière de l'oubli et des flammes des inquisitions.
"Moi Thyrcée, j'aime Sappho." Un seul vers de cette mystérieuse et antique poétesse grecque est parvenu jusqu'à nous. Un seul. Mais il est si précieux - car si mystérieux -, qu'il vaut à lui seul une petite fortune. Plus qu'un trésor de grande valeur, il est une promesse d'un texte aux qualités littéraires et à la beauté inouïes !
Et aujourd'hui, les chercheurs, dont Paula - une jeune doctorante -, sont prêts à tout pour retrouver la trace des vers manquants, avant que quelqu'un d'autre ne s'en empare... Sans aucun doute, ces vers remettraient en cause tous les savoirs que l'on accumule sur les poétesses grecques, jusqu'à démentir les hypothèses les plus solides...
Sous la plume d'Aline Desarzens, on sent les qualités littéraires indéniables, l'art de raconter et de nous faire voyager à travers les siècles, une passion pour l'Antiquité grecque et romaine qui, toujours, nous fascinera !
Alors, êtes-vous prêtes et prêts à lever le voile sur ce secret millénaire ?
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Vous ne regarderez plus jamais votre télévison comme avant !
Une prise d'otage en direct du présentateur TV préféré des Français.e pendant le journal de 20h ? Impossible, me direz-vous. Et pourtant...
Alors que la France entière retient son souffle et assiste - non sans voyeurisme et plaisir du frisson - à ce terrible événement, le GIGN, l'élite de l'élite, va tenter de mettre fin à ce cauchemar...
Avec une plume toujours aussi addictive, le roi du thriller nous plonge dans les sombres coulisses d'un empire médiatique avec sa course aux téléspectateurs réduits à des chiffres à atteindre, à des marionettes manipulables, ainsi qu'avec ses froides stratégies pour que les faits divers les plus tragiques puissent être les plus rentables possible. J'ai particulièrement aimé l'immersion au sein du GIGN, un corps d'élite très structuré et composé de différentes spécialités. Lire un Chattam, c'est être happé.e à la fois par un suspens intenable et une réflexion faite au scalpel d'un aspect du monde, ici les médias.
Personellement, Prime Time est l'un des meilleurs thrillers de Maxime Chattam que j'ai lus. Je vous le recommande vivement !
Attention, risque de nuits blanches de lecture !
Caroline
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"Je sais que je n'oublierai jamais ce que je viens de vivre : un de mes plus grands rêves."
Grégory Delaunay est un illustrateur naturaliste qui traque et observe les animaux à travers son appareil photo et aussi ses pinceaux.
Son rêve ? Vivre un moment suspendu dans le temps avec un loup.
La meute, c'est l'histoire d'un jeune loup qui n'a d'autre choix que de quitter sa meute - orpheline d'une louve dominante tuée par un humain - pour tenter de survivre, mais aussi celle d'un homme profondément engagé dans la protection de la faune sauvage.
Devenu "espèce protégée", et non plus "espèce strictement protégée", le loup cristalise les tensions et sa survie est menacée. Au-delà de la représentation du "grand méchant", il y a surtout un animal permettant de maintenir une forêt en bonne santé dans laquelle il a sa place.
Une aventure naturaliste à lire comme à contempler, tant les dessins et les aquarelles sont saisissants !
Coup de coeur !
Caroline
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Un roman qui vous marquera certainement durablement !
Que se passe-t-il lorsqu'on n'est plus en position de force ?
Dans son nouveau roman, Karine Tuil y répond en mettant en scène, dans un réalisme brut, des personnages qui, chacun, livrent une guerre sans merci pour tenter de reprendre possession du pouvoir. Mais cette guerre est multiple : elle est extérieure comme intérieure, dans les sphères du pouvoir politique comme sous les feux des projecteurs et devant les caméras, dans la tête comme dans le coeur ; l'ennemi étant tout autant l'autre que soi, la personne qui a pris notre chère ancienne et glorieuse place, la vieillesse qui métamorphose le visage d'une actrice et qui n'est pas la bienvenue dans l'industrie du cinéma - en tout cas pour les femmes -, les addictions comme l'alcool qui, telles des sirènes aux voix suaves et sensuelles et à la beauté exquise, répondent à notre désir d'être au monde, en le fuyant ou en le dévorant.
J'ai adoré l'équilibre parfait entre le romanesque et la réalité, celle de notre société post-Covid et moderne, avec ses normes, ses diktats et ses hypocrisies.
Quel mélange savoureux et grinçant, rendu seulement possible par la plume talentueuse de Karine Tuil !
Caroline
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Un coup de cœur qui vous fera retenir votre souffle jusqu'à la dernière page !
"Cela me semble un peu dangereux, de lui ouvrir mon cœur, même un tant soit peu. Je sais que je devrais faire machine arrière. Et que je n'en ai pas l'intention."
Que faire lorsque notre premier grand amour fait irruption à nouveau dans notre vie ?
Un premier roman qui allie la tension et le suspens du thriller à la finesse et aux rebondissements des romances à l'anglaise, sur fond de vallées verdoyantes, ponctuées de villages et de fermes.
Il y a des hasards qui n'en sont pas, et des secrets qui ne peuvent être éternellement gardés...
Caroline
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Plus qu'un récit, un cri !
"Si les écrivains, les poètes ou les cinéastes sont les rivaux désignés de ces ministères de la Vérité, c'est parce qu'à travers leurs œuvres ils conservent et protègent la mémoire, en extraient la vérité clandestine et la remontent à la surface. [...] Voilà pourquoi j'ai décidé d'écrire ce récit."
Le 8 janvier 2020, un Boeing 737 - un avion de ligne ukrainien - est abattu au-dessus de Téhéran. Aucun survivant. A l'intérieur, se trouvait Niloufar, une des cousines de l'autrice. Niloufar la joyeuse. Niloufar la docile. Écrire sur ce drame familial, faire éclater la vérité bientôt étouffée, déformée puis modifiée par un régime et son art du mensonge, c'est aussi, plus largement, parler de la souffrance et de l'oppression du peuple iranien.
Bien que la situation géopolitique de l'Iran au cours des XXe et XXIe siècles est complexe, notamment avec l'Irak et les États-Unis, j'ai été admirative de la facilité avec laquelle Négar Djavadi nous plonge dans le bouillonnement historique et politique de ce pays, entremêlé de souvenirs familiaux et personnels, le tout dans une langue facile et fluide.
A toutes celles et tous ceux qui ont lu et aimé Badjens de Delphine Minoui, je vous recommande vivement La dernière place !
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"Pendant des années, j'ai cru et aimé croire que mes ancêtres avaient quitté l'Inde au début du XXe siècle et étaient arrivés en famille. Mon esprit les a lavés, ces ancêtres, essuyé leurs visages, coiffé leurs cheveux, habillés de vêtements propres, éloignés des cales de bateaux et de la perspective du labeur quotidien des champs de canne. C'est une image presque proprette. C'est une mémoire délavée."
Nathacha Appanah nous livre un récit aussi fort que délicat sur l'histoire de sa famille, ses mythes, ses non-dits, avec des photos et des archives personnelles ou retrouvées. Mais comme toute enquête généalogique, remonter le cours du temps, c'est se confronter à des blancs qu'aucune archive ne saurait combler.
J'ai été particulièrement touchée par l'ethos développé par l'autrice / narratrice : cette dernière est modeste, douée d'une sensible intelligence mais jamais dans l'omniscience. Car expliciter les limites de son imagination et la fragilité de ses souvenirs, c'est ce qui fait la force même de ce récit et tout le talent de Nathacha Appanah.Gros coup de cœur !
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Humain et terriblement magnifique...
"Ne réfléchissez pas trop. Ce pays recèle une magie. Très souvent, je relis les explorateurs venus d’Europe qui ont parcouru l’Asie centrale... Ella Maillart, Gabriel Bonvalot... Le baron Mannerheim... tous, ici, ont découvert un secret. Et je pense que si vous restez encore un peu, dans ce pays, vous trouverez quelque chose de cet ordre-là. “
- Grégoire Domenach
Ce pays, c’est le Kirghizstan. Mais qui le connait ? Qui même sait le placer sur une carte ? Page après page, marchez à travers ses steppes et ses montagnes, ses villes et ses yourtes en compagnie d’une fresque de personnages réalistes et touchants... A travers les yeux de son personnage principal, un photographe endeuillé et perdu dénommé Gaspard, Grégoire Domenach nous offre une réflexion sensible sur le deuil, l’amitié, la fuite et l’exil.
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Un roman historique comme j'aime !
Finlande, le 30 novembre 1939. Il fait déjà très froid dans ce pays nordique, pays que les troupes soviétiques attaquent, pensant que face à cette Finlande si peu peuplée, l'invasion ne sera qu'une affaire de quelques jours ou de quelques semaines tout au plus... Si nous savons, car inscrit dans l'Histoire, que la Finlande finira par perdre face à l'URSS, que savons-nous concrètement de la manière avec laquelle la petite armée finlandaise a réussi, pendant des mois et des mois, à déjouer la grande Armée rouge ? Alors naît cette fameuse légende, celle de la Mort Blanche...
Olivier Norek reprend les codes du polar avec une tension narrative croissante, faisant de cette enquête romanesque un livre que j'ai dévoré !
Bravo !
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Un style unique et un imaginaire incomparable !
"[L'empereur] rappela la mission haute symbolique de notre chantier, le message a porter vaillamment : nous sommes une nation, nous avons des racines communes, éloignées, certes, mais qui ont connu nos falaises et ont creusé nos mers. Nous partageons un territoire de héros, et la patrie doit le savoir pour briller de nouveau, et s'inspirer des anciens."
Conque pose ingénieusement la question du roman national, de la construction de mythes et de légendes qui font le ciment d'une nation. Mais que faire lorsque ce ciment n'est que failles et que la réalité historique ne colle pas aux fantasmes ? C'est à ce moment-là que le politique l'emporte dangereusement sur le scientifique... Un glissement d'actualité à l'heure où la polarisation des opinions étouffe les vérités. Un roman coup de coeur qui confirme tout le talent d'une jeune autrice !
Lisez et laissez-vous emporter !
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Zan, Zendegi, Azadi ! Femme, Vie, Liberté !
Plus qu'un roman d'apprentissage, un é-cri-t de liberté. A l'image de son surnom donné par sa mère et qui, en persan, signifie "espiègle ou effrontée", Badjens fait partie de ces jeunes femmes iraniennes qui veulent se réapproprier leur corps, leur vie, ne plus se taire ni s'écraser, ne plus vivre dans l'ombre du mari, du frère, du père, de l'oncle, du grand-père.
J'ai été particulièrement touchée par le portrait et le monologue intérieur de cette adolescente dont la langue n'est que plus vive avec ce souffle qui, imprégnant chaque page et se faufilant entre chaque mot, balaye l'opression pour que gronde la révolution.
Poignant !
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"Du canapé aux 5 kilomètres !"
Vous rencontrerez Maurice - un veuf qui comble le vide et apaise l'angoisse pour sa fille avec la malbouffe -, Cathy - une bibliothécaire divorcée, très seule -, Brendan et Angela - deux jeunes futurs marié.e.s -, et Yana, une réfugiée syrienne qui a tout perdu. Qu'ont-ils tous en commun ? Le running. Pendant 9 semaines avec le programmes "Du canapé auxc 5 kilomètres", tous.tes se retrouvent pour courir et repousser ensemble leurs limites.
Solitude, mauvaise hygiène de vie, problèmes de famille, mal-être, volonté de se remettre de problèmes de santé ou psychologiques : très vite, les entraînements dévoilent les blessures de chacun.e.s qui ne demandent qu'à être pansées.
Que l'on apprécie la course ou non, ce court roman est une ode douce et littéraire du sport - ce à qui m'a particulièrement plu. Car se mettre en mouvement, c'est distancer les soucis qui nous lestent, se donner la force de surmonter les obstacles et, donc, d'avancer.
Lumineux !
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Cap sur l'Ecosse !
Trois femmes, aux vies qui ne se ressemblent aucunement et qui ne se connaissent pas, se rendent au pays des lochs profonds, des glens verdoyants et des munros somptueux. Ce voyage les confronte, chacune, à leurs angoisses, jusqu'au terminus où le voile, enfin, sera levé...
Un magnifique roman empreint de poésie, de mystère et d'une touche de fantastique à l'image des Highlands, ces espaces sauvages écossais baignés d'une lumière insaisissable, de ces paysages à couper le souffle et dont la beauté n'est autre que l'oeuvre d'une force cherchant à cacher ses secrets.
Ensorcellant !